Le Studiolo de Moret-sur-Loing :
EXPOSITION XAVIER FATOU
"Vous m'avez fait former des fantômes"
L'exposition de Xavier Fatou "Vous m’avez fait former des fantômes" sera visible au Studiolo jusqu'au 31 octobre 2021.
Photos :
P. Songeux
Le Studiolo d'Harold Giroux, poursuivant son cycle "peintures" (pittura, pittura, pittura), après l'exposition de Romain Roumiani et avant celle de Lisa Gardner, Le Studiolo présente actuellement et jusqu"au 31 octobre 2021, les peintures (acryliques) et dessins de Xavier Fatou
Xavier Fatou/Vous m’avez fait former des fantômes (Peintures)
Xavier Fatou serait-il atteint de cette mélancolie italienne due à la lumière et aux horizons clairs dont parle Giorgio de Chirico ? Et notre âme pliée dans la pose douloureuse de La Nuit de Michelangelo dans la Sagrestia Nuova de la basilique San Lorenzo à Florence... Déjà, dans une œuvre ancienne, La Danse (2000), la mélancolie suinte du festif (la transpiration ?).
« Je peins la lumière qui vient de tous les corps » écrivait, dans une lettre à son oncle, Egon Schiele.
Xavier Fatou peint comme ces traces neigeuses qu’on voit dans le ciel : nuage en boucle de cheveux, en virgule (cirrus uncinus), “un ciel peigné”, griffé... Des corps (ignudi) étirés, tordus de désirs ou de répulsions qui pourraient s’originer dans le St Michel chassant les anges rebelles de Domenico Beccafumi de la Pinacothèque de Sienne. Les différentes versions de David & Goliath (aimant le Kovid), L’enfant K.O. vidé (2020) ont été créées lors du récent enfermement. Crash de couleurs : il pleut du bleu sur L’Angel (2018), déjà empourpré, qui évoque l’Enfer de Dante tel qu’il est décrit par Galilée... On devine écartèlements, crucifixions...
« On n’est point criminel pour faire la peinture des bizarres penchants qu’inspire la nature », « Vous m’avez fait former des fantômes » disait le Marquis suivant Pétrone... Fantômes et fantasmes sont frères.
Les fantômes naissent dans les flammes des bûchers (ceux de Savonarole).
Toiles ténébristes ou éclairées à la chandelle inspirent X. F. : celles de Georges de La Tour, le David d’Aubin Vouet, légèrement grassouillet, « féminin » avec ongles noirs et coiffe « baroque » , les deux St Sébastien de Trophime Bigot (celui de Bordeaux et celui de Bologne), lumière sacrée pour fêtes bachiques.
Chute des corps pour une attraction non terrestre mais infernale. Toiles mordorées, rougeoyantes (les toiles brunes dit le peintre). Quelquefois des mots viennent creuser la toile sous une apparente légèreté ironique : « Une force le rendait dingue. », « La vérité de son corps était comme déchirant son amour aveugle. »...
Ces mots ne résolvent pas l’énigme de leur dispersion dans la toile.
Il y a ces mots, bribes, fragments des poètes qui quelquefois nous apportent un peu de rosée dans le désert : « In una giovinezza di soli istanti/In un sussuro di finte et schivate (...) » (1) , « Tes lèvres de rubis ravivent la blessure des cœurs consumés
d’amour. » (2) La pensée peut se faire en marchant, en prenant l’air – toutes sortes d’aérations ! comme les inscriptions, grafs, pochoirs, images sur les murs de la ville... Les visages qui s’animent au lieu des masques chirurgicaux ou bec de canard qui ne laissent entrevoir que des yeux terrifiés. Il y a du grotesque dans certaines figures, comme dans l’art brut ou les arts de la rue (expérimenté par X. F.)
Xavier travaille aussi en lithographie : « Pour réaliser l’image, j’étale une première couleur, j’en rajoute une deuxième par dessus puis je travaille par soustraction à l’éponge... Je sculpte la matière (picturale).... En lithographie la pierre réagit différemment de la toile.... J’essaie d’obtenir une traduction de ce que j’aimais faire sur la toile. »
Pour accompagner Xavier ces vers de Walter Benjamin : « Je suis un peintre qui des ombres / Peint le plus merveilleux portrait / Et ses couleurs paient plus encore / que d’autres leurs pleines saturées... » (3)
(H. G.)
___________
(1) "(...) Dans une jeunesse de seuls instants / Dans un murmure de feintes et d’esquives (...) ». Milo de Angelis, décrit une scène où des adolescent(e)s se roulent dans l’herbe en se chamaillant... (Milo de Angelis, Rencontre et guet-apens, Le Cheybe éditeur (2005) ;
(2) Hafez Shiraz in La Danse de l’âme ;
(3) Walter Benjamin, Sonnets, Editions Walden n (2021).
_________
Xavier Fatou :
« j’ai fait les Beaux-Arts de Paris en 1985, j’y suis resté quatre ans et obtenu le diplôme. Ensuite je suis devenu prof, j’interviens dans un centre culturel depuis un certain temps. Parallèlement, je poursuis mon travail de recherche. Je produis des images, on peut dire que c’est un travail qui est en partie lié avec le réel, on a des personnages, des corps, des créatures. Du point de vue de l’image, c’est pas mal en clair obscur, des choses qui ont l’air extraites de la nuit, d’un monde nocturne. Parfois, il peut y avoir des tableaux en partie liés à des choses du passé. Je suis très imprégné de peinture d’avant, et bien sûr je vois les choses de notre époque, puisque j’ai aussi un travail en parallèle en tant que graffiteur, donc un peu clandestin évidemment. Mon idée c’est de passer du support toile au support mur, d’apporter et de proposer du pictural en fonction de ce que je fais en tant que peintre, mais pas à la façon stylistique des taggers, bien que j’ai un blase, mais l’idée serait d’avoir des choses qui viennent de ma peinture et qui puisse exister sur les murs.
J’ai réalisé des lithographies aussi, il y en a certaines qui sont proposés ici. Il m’arrive de coupler des œuvres d’artistes de notre époque avec des œuvres d’artistes fameux du temps passé. J’opère une sorte de mix en fait, pour avoir une troisième version, un peu nouvelle et intéressante j’espère. Plus rarement, il y a des choses gestuelles abstraites et des choses aussi drolatiques. Avec la galerie Studiolo d’Harold, j’ai la possibilité de montrer des choses qui ne sont pas permises partout. Pour un peintre, c’est important de ne pas se sentir amputé. Il y a souvent des lectures doubles ou lectures diverses tout à fait possible. »
Exposition visible jusqu' au 31 octobre 2021
au rythme d'un week-end sur deux
(18-19 sept., 2-3, 16-17, 30-31 oct.)
aux horaires habituels :
le samedi et le dimanche
de 15 h à 19 h.